Le quotidien d’un Libanais

Le quotidien du Libanais n’est pas simple…

Bougie allumée dans une main

LES ENERGIES : électricité et substituts

Quand par exemple vous, vous décidez de faire une lessive, c’est tout simple : vous appuyez sur un bouton, le lave-linge est lancé et vous n’y pensez plus ! L’habitant du Liban, lui, avant d’appuyer sur le bouton, doit réfléchir soigneusement afin de s’assurer que sa décision n’est pas inopportune…

Pourquoi cela ?

Eh bien, parce que l’électricité, denrée devenue rare et chère, ne peut illuminer son quotidien qu’à la mesure de sa fortune, et si celle-ci est chancelante, il sera laissé dans les ténèbres… D’où, avant d’appuyer sur le bouton, un casse-tête à débrouiller offert par E.D.L….

E.D.L., c’est l’EDF du Liban.

Je vais prendre ici comme exemple le bourg de KAHALE qui fut mon lieu d’attache pendant 2 semaines, et dans ce bourg de KAHALE, je vais m’en tenir à mon seul quartier de 6 immeubles.

Voyons d’abord les horaires E.D.L. :

Tout dépend du quartier, mais surtout de la fiabilité du fonctionnement. Elie m’explique qu’un coup c’est une durée d’1 heure, une autre fois de 3 heures… et parfois rien du tout ! C’est tous les jours une surprise que nous réserve facétieusement E.D.L…

Il existe bien sûr des systèmes de substitution ou de complémentarité à EDL, comme :

  1. Le générateur, qui fonctionne au fioul.
  2. Les batteries avec un onduleur convertisseur (Compter 1.500€ en moyenne avec 2 petites batteries.). Les batteries permettent d’avoir un réfrigérateur qui fonctionne pendant la nuit et d’allumer une lampe en cas de besoin.
  3. Les panneaux photovoltaïques, couplés avec les batteries. Mais il faut répartir équitablement le toit entre voisins et le coût des PV est très élevé.

Les générateurs au fioul

En préambule : Le tarif du fioul (qui peut être consulté sur internet) varie bien sûr chaque mois en fonction de l’inflation…

Dans l’immeuble d’Élie, c’est son voisin qui a investi dans un générateur, lequel alimente 7 immeubles soit environ 40 appartements ; chaque appartement a un compteur (pour le relevé) et est abonné pour un ampérage donné, fixé en fonction des moyens de ses occupants… et ces moyens sont en général si réduits qu’on se contente de 5 ampères le plus souvent. De quoi regarder la télévision, allumer une lampe et faire fonctionner le réfrigérateur…

Avec un abonnement de 10 ampères, on peut se payer le luxe de faire tourner un lave-linge, mais seulement sur programme froid et rapide en raison de la forte consommation des résistances (choix possible si la machine est suffisamment récente…) ; ça permet aussi d’avoir l’internet et de charger des batteries.

Pour la douche, on allumera le ballon électrique hors hiver 30mn avant, 1h avant en hiver. Le reste du temps, il est disjoncté ! Certains pour avoir de l’eau chaude ont investi dans le solaire (mais ça prend de la place-1 par appartement pas possible- c’est coûteux et ça nécessite l’accord de tous les habitants de l’immeuble !).

En maison le ballon peut fonctionner avec le fioul, avec une bonbonne de gaz, ou être électrique et bien sur le solaire qui est très présent en maison.

Avec 20 ampères, on frôle l’eldorado…

Mais même avec 20 ampères et plus, demeurera toujours la nécessité de connaître les horaires dudit générateur sous peine de se retrouver coincé ! Horaires qui varient, bien entendu, selon chaque zone. Pour la mienne, c’était : 6h00-8h00 / 11h00-13h00 / 14h00-16h00/ 18h00-01h00.

Bien du confort, pourtant, en comparaison des habitations non raccordées à un générateur : là, pas de réfrigérateur, pas de lave-linge, pas de ballon d’eau chaude…

À KAHALE, la municipalité a déjà distribué 5 générateurs. Mais qu’est-ce, pour 13.000 habitants ?!

[Pour ce qui est des lave-vaisselles, a priori personne n’en a, pas même les gens riches car ils ont des domestiques].

 

Climatisation et chauffage

Chez Joëlle et Élie, la climatisation fonctionne pendant les chaleurs estivales, mais elle n’est mise en route que via EDL. Cet été par exemple, lors de mon séjour, il faisait plus de 30° dans une moiteur étouffante, et je peux assurer que c’est très difficile à supporter, même pour une Ajaccienne comme moi.

Quant au chauffage, il fonctionne au fioul, mais il faut quand même de l’électricité, et pour le mettre en route, et pour le fonctionnement de la pompe de circulation. D’où coupures régulières de chauffage en hiver, pas de chauffage la nuit, etc. Le chauffage n’est pas commun. Chaque logement a sa propre chaudière et sa propre cuve en sous-sol ! Cuve qui reste vide si pauvreté oblige…

Avant la crise, Elie la faisait remplir 2 à 3 fois en hiver, pour chaque fois 700$ ; aujourd’hui le plein n’est fait qu’une fois par an !

Et tout est à l’avenant, qu’il s’agisse de bâtiments publics -et même d’hôpitaux ! – ou de bâtiments privés (commerces, hôtels, écoles et universités, etc.) 

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Le propriétaire du générateur facture tous les mois la consommation de fioul ; il prend à sa charge la maintenance et c’est lui qui s’occupe du remplissage de la cuve du générateur (et du passage pour le camion-livreur). Le générateur et la cuve de fioul prennent de la place au sol. Il y a des câbles de partout…

Dans le logement, il faut un compteur spécial pour basculer de EDL au générateur puis aux batteries. De la place, il en faut pour l’onduleur et les batteries. Mais surtout, il faut penser, toujours penser à la puissance dont on dispose. Par exemple, si on a mis le four (qui est toujours au gaz mais le mode grill toujours électrique, résistance au-dessus dans le four) sur le mode grill, il faut penser à couper frigo et/ou lave-linge le temps que marche le grill ! Toutes les plaques sont évidemment alimentées par du gaz, mais en bouteille, car le gaz de ville n’existe pas.

L’EAU

L’eau, grand thème encore. Tout le monde a une fontaine à eau rechargeable avec des bonbonnes car l’eau du robinet n’est nulle part potable au Liban, sauf dans quelques villages en campagne ou en montagne qui bénéficient de sources.

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Pour finir, résumons : 1 abonnement EDL+ 1 abonnement générateur + 1 abonnement fioul pour le générateur + 1 autre pour la chaudière + l’abonnement à l’eau (et l’achat des bouteilles) …

Et, pour les moins chanceux dont l’eau arrive au compte-gouttes, une citerne à remplir pour avoir l’eau au robinet (non potable).

Et une famille à entretenir, très rarement de moins de 4 personnes, qui est le minimum de membres de celles que j’ai pu rencontrer

Pour les factures fournisseurs, je m’interroge sur la distribution du courrier car là encore, c’est une surprise : pas de boîte aux lettres ! Et j’apprends que chaque fournisseur se déplace pour être payé : l’agent EDL, l’agent de l’eau, etc. Chacun vient avec sa facture au domicile du débiteur qui, s’il est présent, paie de suite et cash ; sinon, l’agent laisse un avis et le débiteur déposera la somme due à tel endroit dont il prévient son créancier qu’il pourra l’y récupérer (comme un commerce voisin ou une pharmacie de quartier…)

Toutes les transactions se font en effet en liquide car depuis la banqueroute du pays, plus personne n’a de carte de crédit libanaise. Impossible donc d’acheter quoi que ce soit via internet, à moins d’avoir un compte à l’étranger. C’est alors qu’intervient l’art de la débrouille…

Comment, par exemple, avoir un abonnement sur une plate-forme musicale ou de films sur Netflix ?

Eh bien il faut connaître quelqu’un qui a un compte à l’étranger, ou connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a un compte à l’étranger… On règle en liquide un membre de sa famille et l’heureux détenteur du compte s’abonne (en $) à la plateforme convoitée, puis en transmet le code d’accès au demandeur. Un service qui se paie. Encore !

En général, les gens se regroupent pour l’abonnement qui permet d’être 4/5 personnes à l’utiliser.

La gymnastique à pratiquer au moment du règlement dans n’importe quel commerce, c’est aussi ça, la débâcle : tu paies en dollars (car tous les prix sont affichés dans cette monnaie), on te rend en livres. Vu que 1$ équivaut aujourd’hui à 90.000 £ libanaises (taux appliqué sur place dans les bureaux de change), tu n’as pas fini de compter les billets rendus !!  A noter qu’avant la crise, en 2019, le taux de change était de 1$ pour 1.500 LL, soit une inflation sans précédent ! Avec des salaires qui, je le rappelle, restent insuffisants pour assurer à la plupart, sans l’aide de parents vivant à l’étranger, un quotidien simplement décent, voire la survie.

Je m’interroge, suite à une discussion avec un prêtre, sur le fait que rien d’important pour le pays n’ait été entrepris pendant toutes les années qui ont précédé la crise.

Certes, il y a eu la guerre. Mais jusqu’à la guerre, l’enseignement public aurait pu être développé, alors qu’il a été totalement délaissé ; les techniques énergétiques auraient pu être modifiées, améliorées, le réseau électrique aurait pu être entretenu, etc.

Au lieu de quoi, dans ce pays alors riche, possédant un grand port de commerce, avec une population éduquée et même cultivée, polyglotte en majorité et de forte culture européenne, tout a été négligé. Tout paraît être du provisoire qui dure…

La banqueroute puis les mesures ‘covid’ ont en outre fait faire un terrible bond en arrière au Liban, cette ‘Perle de l’Orient’, comme on disait naguère. Par bonheur, le Libanais est généralement un caractère joyeux, qui aime son magnifique pays, où culturellement les liens familiaux d’amour et d’entr’aide sont restés le fondement de la société et lui offrent un soutien précieux contre les temps mauvais…

Car le quotidien du Libanais n’est pas simple !

 

Consultez sur ce site, (en bas de page du lien),  le graphique du taux de change (et ses variations affolantes) : https://lbprate.com/index.php

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