Nom de l’auteur/autrice :Caroline Zahar Trevisi

Bougie allumée dans une main

Le quotidien d’un Libanais

Le quotidien du Libanais n’est pas simple… LES ENERGIES : électricité et substituts Quand par exemple vous, vous décidez de faire une lessive, c’est tout simple : vous appuyez sur un bouton, le lave-linge est lancé et vous n’y pensez plus ! L’habitant du Liban, lui, avant d’appuyer sur le bouton, doit réfléchir soigneusement afin de s’assurer que sa décision n’est pas inopportune… Pourquoi cela ? Eh bien, parce que l’électricité, denrée devenue rare et chère, ne peut illuminer son quotidien qu’à la mesure de sa fortune, et si celle-ci est chancelante, il sera laissé dans les ténèbres… D’où, avant d’appuyer sur le bouton, un casse-tête à débrouiller offert par E.D.L…. E.D.L., c’est l’EDF du Liban. Je vais prendre ici comme exemple le bourg de KAHALE qui fut mon lieu d’attache pendant 2 semaines, et dans ce bourg de KAHALE, je vais m’en tenir à mon seul quartier de 6 immeubles. Voyons d’abord les horaires E.D.L. : Tout dépend du quartier, mais surtout de la fiabilité du fonctionnement. Elie m’explique qu’un coup c’est une durée d’1 heure, une autre fois de 3 heures… et parfois rien du tout ! C’est tous les jours une surprise que nous réserve facétieusement E.D.L… Il existe bien sûr des systèmes de substitution ou de complémentarité à EDL, comme : Le générateur, qui fonctionne au fioul. Les batteries avec un onduleur convertisseur (Compter 1.500€ en moyenne avec 2 petites batteries.). Les batteries permettent d’avoir un réfrigérateur qui fonctionne pendant la nuit et d’allumer une lampe en cas de besoin. Les panneaux photovoltaïques, couplés avec les batteries. Mais il faut répartir équitablement le toit entre voisins et le coût des PV est très élevé. Les générateurs au fioul En préambule : Le tarif du fioul (qui peut être consulté sur internet) varie bien sûr chaque mois en fonction de l’inflation… Dans l’immeuble d’Élie, c’est son voisin qui a investi dans un générateur, lequel alimente 7 immeubles soit environ 40 appartements ; chaque appartement a un compteur (pour le relevé) et est abonné pour un ampérage donné, fixé en fonction des moyens de ses occupants… et ces moyens sont en général si réduits qu’on se contente de 5 ampères le plus souvent. De quoi regarder la télévision, allumer une lampe et faire fonctionner le réfrigérateur… Avec un abonnement de 10 ampères, on peut se payer le luxe de faire tourner un lave-linge, mais seulement sur programme froid et rapide en raison de la forte consommation des résistances (choix possible si la machine est suffisamment récente…) ; ça permet aussi d’avoir l’internet et de charger des batteries. Pour la douche, on allumera le ballon électrique hors hiver 30mn avant, 1h avant en hiver. Le reste du temps, il est disjoncté ! Certains pour avoir de l’eau chaude ont investi dans le solaire (mais ça prend de la place-1 par appartement pas possible- c’est coûteux et ça nécessite l’accord de tous les habitants de l’immeuble !). En maison le ballon peut fonctionner avec le fioul, avec une bonbonne de gaz, ou être électrique et bien sur le solaire qui est très présent en maison. Avec 20 ampères, on frôle l’eldorado… Mais même avec 20 ampères et plus, demeurera toujours la nécessité de connaître les horaires dudit générateur sous peine de se retrouver coincé ! Horaires qui varient, bien entendu, selon chaque zone. Pour la mienne, c’était : 6h00-8h00 / 11h00-13h00 / 14h00-16h00/ 18h00-01h00. Bien du confort, pourtant, en comparaison des habitations non raccordées à un générateur : là, pas de réfrigérateur, pas de lave-linge, pas de ballon d’eau chaude… À KAHALE, la municipalité a déjà distribué 5 générateurs. Mais qu’est-ce, pour 13.000 habitants ?! [Pour ce qui est des lave-vaisselles, a priori personne n’en a, pas même les gens riches car ils ont des domestiques]. Climatisation et chauffage Chez Joëlle et Élie, la climatisation fonctionne pendant les chaleurs estivales, mais elle n’est mise en route que via EDL. Cet été par exemple, lors de mon séjour, il faisait plus de 30° dans une moiteur étouffante, et je peux assurer que c’est très difficile à supporter, même pour une Ajaccienne comme moi. Quant au chauffage, il fonctionne au fioul, mais il faut quand même de l’électricité, et pour le mettre en route, et pour le fonctionnement de la pompe de circulation. D’où coupures régulières de chauffage en hiver, pas de chauffage la nuit, etc. Le chauffage n’est pas commun. Chaque logement a sa propre chaudière et sa propre cuve en sous-sol ! Cuve qui reste vide si pauvreté oblige… Avant la crise, Elie la faisait remplir 2 à 3 fois en hiver, pour chaque fois 700$ ; aujourd’hui le plein n’est fait qu’une fois par an ! Et tout est à l’avenant, qu’il s’agisse de bâtiments publics -et même d’hôpitaux ! – ou de bâtiments privés (commerces, hôtels, écoles et universités, etc.) **** Le propriétaire du générateur facture tous les mois la consommation de fioul ; il prend à sa charge la maintenance et c’est lui qui s’occupe du remplissage de la cuve du générateur (et du passage pour le camion-livreur). Le générateur et la cuve de fioul prennent de la place au sol. Il y a des câbles de partout… Dans le logement, il faut un compteur spécial pour basculer de EDL au générateur puis aux batteries. De la place, il en faut pour l’onduleur et les batteries. Mais surtout, il faut penser, toujours penser à la puissance dont on dispose. Par exemple, si on a mis le four (qui est toujours au gaz mais le mode grill toujours électrique, résistance au-dessus dans le four) sur le mode grill, il faut penser à couper frigo et/ou lave-linge le temps que marche le grill ! Toutes les plaques sont évidemment alimentées par du gaz, mais en bouteille, car le gaz de ville n’existe pas. L’EAU L’eau, grand thème encore. Tout le monde a une fontaine à eau rechargeable avec des bonbonnes car l’eau du robinet n’est nulle part potable au Liban, sauf dans quelques villages en campagne ou en

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Rencontres autour des repas

Joëlle a voulu me montrer comment était organisée l’aide aux plus démunis. Je commencerai par ce qui est fait à Kahalé, sa petite ville. Le Mouvement Apostolique Marial (MAM) y organise la distribution de repas une fois par semaine. Cuisinée intégralement par des volontaires, la nourriture est distribuée aux moins fortunés du bourg (certains, par pudeur, refusent cette aide…) L’initiative est née avant le carême 2023, d’une proposition de quelques femmes du village, et MAM a apporté son soutien à ce projet. Il faut savoir que ce genre d’initiative privée est très courant au Liban dans les petites villes chrétiennes.  Comment le mouvement acquiert-il les produits alimentaires à cuisiner ? Par des dons qui en permettent l’achat : 20€ par ci, 30 par là, la plupart de chrétiens appartenant à la communauté et bien sûr, parmi eux, le Dr Zoghbi. Les prêtres aussi donnent un peu d’argent pris sur la quête. Il y a aussi des dons en nature, fruits et légumes des jardins. Soit au bout du compte une dépense hebdomadaire d’environ 200€ pour quelque 300 repas. Où sont préparés les repas ? Au couvent de Don-Bosco, dont les cuisines sont mises à disposition gracieusement. Qui distribue les repas à domicile ? Là encore, c’est la tâche d’un ou deux volontaires, qui utilisent leur véhicule personnel ; l’essence est à leur charge, une charge assez conséquente même si le coût au Liban n’est que de 1$/litre, étant donné le nombre de bénéficiaires et la configuration de Kahalé, tout en monts-et-vaux ; étant donné aussi les revenus dramatiquement bas des Libanais. J’Interroge Élie et Joëlle sur les pratiques charitables entre musulmans, savoir s’ils font de leur côté la même chose pour leurs frères… Ils ne savent pas trop, mais ce qui est sûr, me disent-ils, c’est que durant le mois de Ramadan ils sont obligés à l’aumône. Car c’est la Loi. Warak malfouf Les cuisinière et Caroline Ma deuxième découverte a été celle d’une sorte de ‘’resto du cœur’’, mais d’esprit chrétien et surtout relevant d’un sacré système de débrouille. Je vous présente donc : La cuisine de Mariam ! (Mariam est le nom arabe de la Vierge Marie ; elle est partout au Liban, même dans les cuisines… Même dans le cœur les musulmans, qui la prient…).  Créée à l’initiative du Père Hani Tawk, prêtre maronite de Byblos, marié et père de 4 enfants, la Cuisine de Mariam offre 1000 plats par jour, à savoir le repas du déjeuner, 5 jours par semaine plus les jours de fête. Pendant l’été, sa femme et ses enfants participent à la préparation et à la distribution des plats. En tant que prêtre, le Père Tawk se doit d’accueillir tout le monde, toutes confessions confondues… Ces repas sont préparés dans les locaux d’une ancienne banque ( !) du centre de Beyrouth, où il a installé une ‘cantine’ avec sa cuisine de fortune… On peut donc y manger sur place ; le reste est distribué dans la rue, à certains points déterminés de la ville. Voici à quoi ressemble la cuisine/cantine de Mariam : Le Père Hani Tawk Les cuisines Salle pour manger C’est un miracle d’arriver à faire 1000 plats par jour dans ladite ‘‘cuisine’’… Parfois on ne sait même pas s’il y aura l’argent nécessaire pour la distribution du lendemain… Le Père alors de se démener, téléphonant à droite à gauche… Et il arrive que la Providence lui réponde généreusement. Il s’agit ici de l’unique « centre » qui accueille les sans-abris au Liban. C’est un centre de jour (les centres de nuits étant interdits par la loi). Le  Père Hany nous confie son grand projet, qui avance au rythme des dons : un futur centre d’accueil de jour avec petites chambres, salle d’eau et salle de soins.   Au moment de nous quitter, il nous demande : « Priez pour moi afin que je reste fidèle à ma mission qui est d’aider TOUT LE MONDE. » *** Beaucoup de Français viennent faire des missions au Liban, que ce soit avec SOS Chrétiens d’Orient, AED, l’Oeuvre d’Orient… La plupart des missions et ONG sont de fait françaises.

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Des vies

Des vies Comment l’entraide, la solidarité, la famille et la foi permettent aux Libanais de survivre. Je suis entrée dans chaque maison, appartement, tous très modestes, avec peu de meubles, juste le nécessaire, mais tous très propres et où toujours un saint ou une Vierge se trouvent à l’honneur. Des habitants très dignes et surtout très accueillants. Un voisin n’a-t-il rien à manger ? On l’accueille à sa table. D’ailleurs nul ne vient en visite sans qu’on lui offre quelque chose. Alfred & Zayzaf Alfred a 84 ans, il s’occupe de sa femme qui souffre d’Alzheimer depuis 2 ans. Il a été régisseur, puis chauffeur de taxi, mais il a dû arrêter de travailler afin de prendre soin de sa femme. 58 ans de mariage. Il a lui-même des problèmes de santé. Il n’a évidemment pas de retraite, ses enfants l’aident comme ils peuvent mais eux-mêmes ont du mal. Ils commencent depuis quelques temps à vendre des ustensiles de cuisine et divers objets leur appartenant pour payer les médicaments et la nourriture. Une vie dure, mais pleine d’amour. Nicole & Aboud Ils sont frère et sœur. Ils sont légèrement retardés, leur maman s’occupait d’eux mais elle est morte. Aboud travaillait mais ça, c‘était avant. Je suis entrée chez eux. On y ressent une précarité extrême. La paroisse est leur maison. Ils y trouvent réconfort et parfois aussi de quoi manger. Joseph Il se juge chanceux car son fils , sa belle-fille et leurs 2 enfants vivent chez lui. Il a 67 ans, il est hémiplégique et diabètique. Et il a de plus en plus de mal à marcher. Il nous raconte la peine qu’il se donne à trouver les médicaments qui lui conviennent car on lui propose toujours des génériques qui lui provoquent des effets secondaires. Il était fabricant de meubles -canapés, chaises, fauteuils…. Il a tenu à ce que je le montre comme il était ‘avant’ : un ‘Monsieur tout le monde’… Madame Odette Née en 1937, on peut dire qu’elle a traversé les temps de paix et de gloire du Liban, avant les guerres et maintenant les invasions. Elle a vu son pays changer… pas pour du mieux ! Elle est malade mais ne veut plus se soigner car ça coûte trop d’argent à sa fille et à son petit-fils qui ont déjà à peine de quoi vivre. Les médicaments coûtent 75$ par mois. Enfin, ça, c’est si elle les achetait… Elle n’a évidemment pas les moyens d’avoir un groupe électrogène. Elle a donc de l’électricité au bon vouloir de EDL, c’est-à-dire un peu le matin, tôt, et le soir. Pas de climatisation non plus, bien sûr. Quant aux WC, ils sont en extérieur. Odette est une perle pleine de talent. Grande couturière, avec un goût très sûr et très chic, elle est aussi brodeuse et fait des tricots. Son petit-fils est militaire et chauffeur. Comme la plupart des Libanais il a 2 jobs. Sa fille fait des ménages mais c‘est un secret. Assad Vous devinerez aisément que c’est un militaire. Il a 77 ans. Au Liban il y a un grand respect pour les militaires, car ils défendent le pays et ses habitants. Tous les Libanais ont au moins un militaire dans la famille. Celui-ci a combattu contre Israël, la Syrie, les Palestiniens. Il a été blessé et a vu tomber beaucoup de ses camarades. Un militaire était payé autrefois 1,200$ en moyenne. Ça, c’était ‘avant’! Aujourd’hui il touche 65$… Il a dû déménager car il ne pouvait plus payer son loyer. Assad est seul. Avant qu’on parte, il nous a confié : « Je suis fidèle au pays et à l’armée, la politique ne m’intéresse pas. » Mona Elle est née en 1960. Elle était secrétaire de direction dans une entreprise internationale. Arabophone comme tout Libanais, elle parle aussi le français et l’anglais. On peut dire que Mona est dévouée. Elle s’est occupée de sa belle-mère -la femme de son père, de la sœur de celle-ci et bien sûr de son père, qui vit toujours. Son père pourtant l’a abandonnée quand elle n’était qu’une enfant, et c’est vers ses 20 ans qu’elle est retournée vivre auprès de lui. Sa belle mère la maltraitait. Quand Mona a pris sa « retraite », elle a pu la toucher, mais n’a pu que fort peu en profiter… En effet, au Liban, la retraite se calcule comme suit : le salaire de la dernière année travaillée dans chaque société, multipliée chacun par le nombre d’années travaillées. Par exemple; un travail à 1.000$ pendant 20 ans, puis un autre emploi à 2.2000$ pendant 20 ans, cela fait un pactole de 60 000$ (soit 20 000+ 40 000). Une fois pour toutes ! Cette formule est la seule retraite qui existe au Liban, quand elle existe… Or non seulement Mona n’a pas reçu la somme due, mais ce qu‘elle a touché, elle l’a mis à la banque dans l’esprit d’en retirer un peu chaque mois pour vivre… Comme tant d’autres Libanais qui n’avaient jamais imaginé possible la totale faillite bancaire du pays, elle a tout perdu … Mona se retrouve donc dans un grand état de précarité, sans enfant et avec un père à charge… Des parents de la famille de sa belle-mère dont elle s’est tant occupée cherchent maintenant à l’expulser de son logis. Louis Que dire de cette petite famille…? Louis a 84 ans, il a travaillé jusqu‘à 76 ans dans la même société. Il était magasinier dans une fabrique de conserves. Son fils, sa belle-fille et son petit-fils vivent avec lui. Au Liban, il est courant de travailler encore à l’âge de la retraite; officiellement, on la prend à 64 ans, mais ça n’arrive jamais. Car depuis la crise, les salaires ayant chuté dramatiquement, les gens ont 2 emplois. C’est Dany qui a 58 ans et 32 ans d’armée derrière lui qui subvient aux besoins de la famille. Livreur, il gagne environ 300$. Catherine et ses trois enfants Catherine a trois enfants de 2, 3 et 9 ans. Le mari de Catherine

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Une femme au côté d'un médecin volontaire.

Le bon docteur et ses patients

« Si tu n’as pas d’argent, tant pis pour toi ! Ton mal, c’est ta pauvreté… » Voici l’histoire du bon Dr Antoine El-Zoghbi, de Jean et Ziad (parmi mille autres…). Tous trois ont en commun d’être de la même ville de Kahalé, à 14 km sur les hauteurs à l’ouest de Beyrouth. Un bourg de 13.000 âmes. Jean y a travaillé toute sa vie dans un garage qui l’employait pour changer les pneus de tout ce qui roule…  Pas un habitant qui n’ait eu au moins une fois affaire à ses services.  Jean a 63 ans, vit avec sa femme et un fils adulte. Réputé dans son village pour être un homme très fort, Jean a fait la guerre ; il a été blessé à une jambe, depuis devenue raide… Ziad est jugé avoir ‘réussi’ puisqu’il est son propre patron ; il est jardinier et même en quelque sorte pépiniériste, puisqu’avec sa femme ils élèvent des plantes sous serre. Ziad se déplace avec sa camionnette dans le grand Beyrouth chez des clients dont il fait les jardins comme un paysagiste. Ziad a 50 ans et 2 enfants majeurs. Avant l’explosion, avant l’épopée covidienne et la banqueroute du pays, sans rouler sur l’or tous deux néanmoins vivaient à peu près correctement ; et ils étaient couverts en cas de pépin par leurs assurances et la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale). 2023 ou quand la maladie frappe… Un jour Jean tombe malade et ne peut plus travailler. On l’avise qu’il lui faut se faire opérer des poumons, et en urgence ! Quant à Ziad, lui, ça fait quelques temps qu’il se sent mal, qu’il a des vertiges, du mal à respirer. Il se dit que c’est sans doute dû à son surpoids…et au tabac ! Ne voulant pas engager de coûteuses dépenses médicales, il décide donc d’arrêter de fumer puis se met au régime. Mais son état ne s’arrange pas… Et puis un jour, alors qu’il est au volant de sa camionnette, il est tout à coup pris d’un grave malaise et stoppe près d’une pharmacie pour se faire prendre la tension. La tension est bonne. Mais quand la pharmacienne s’avise de mesurer ensuite ses pulsations cardiaques, c’est l’alerte : 30 pulsations par minute au lieu de 80 !!!  Transporté d’urgence à l’hôpital, après divers examens le couperet tombe : opération et en urgence !  Ziad panique, car cette opération signifierait pour lui et sa famille un endettement ingérable.  Il veut quitter l’hôpital. On l’avertit que dans ce cas, sa mort est assurée : à court ou moyen terme une crise cardiaque le foudroiera. Jean lui aussi pense à la dette qu’il risque de laisser à sa famille. Il ne veut pas prendre ce risque et pour sa part il refuse l’opération. Au moins partira-t-il l’esprit tranquille pour les siens… Beyrouth. L’hôpital Hôtel-Dieu de France. Opération de Jean = 12.000$. Opération de Ziad = 15.000$. Et on n’y opère pas sans versement d’acompte… Dr El-Zoghbi : concernant sa vie privée, disons seulement que ses frères ont sacrifié leurs propres études pour qu’il puisse faire les siennes… Parti étudier en France, il a réussi brillamment ses examens et a travaillé un temps dans le service des urgences d’un hôpital parisien. Puis il est revenu au pays. Il aurait pu continuer sa vie en France, une vie confortable… Mais il est rentré ! Et avant d’être établi médecin, il a dû prendre part à la guerre… Il aime son pays, sa ville natale de Kahalé, ville chrétienne, et ses habitants. Sa générosité envers ses compatriotes est sans borne.  Chef du service des urgences à l’Hôtel-Dieu de France, Président de la Croix-Rouge au Liban, il est célèbre et célébré dans tout Kahalé et Beyrouth, aimé et respecté de tous. Cet homme plein de modestie travaille sans relâche pour soulager les malades, sans compter son temps… ni son argent ! Car il est aussi connu pour son art d’accumuler les dettes en faveur de ses compatriotes de Kahalé trop pauvres pour assumer les frais de leurs opérations. Il utilise sa renommée en se portant garant pour eux. Jean, Ziad et notre Docteur ‘’Providence’’ : Jean et Ziad ont donc été opérés à l’Hôtel-Dieu de France, le docteur El-Zoghbi s’étant porté garant pour eux. Un acompte a été versé, mais si l’histoire ne dit pas qui l’a versé, on le devine aisément… Jean et Ziad doivent maintenant beaucoup d’argent, la dette court toujours, mais la garantie du Docteur a permis un échelonnement. Et si des relances menaçantes sont faites au patient, notre Providence en blouse blanche intervient à nouveau, écrit des courriers, fait des demandes d’argent par ci-par là, et des donateurs se montrent parfois.  Jean et Ziad sont très préoccupés de savoir le Dr El-Zoghbi garant de leur dette ; car ils savent bien qu’à raison des 10 ou 20 $ que leurs familles peuvent rembourser chaque mois, jamais ils ne parviendront à éteindre cette dette. Et c’est ainsi que, de garantie en garantie, notre Docteur a réussi à accumuler à ce jour une dette de 63.000 $ ! Sans parler de ce qu’il a déboursé par ailleurs !   Le bon Docteur El-Zoghbi qui m’a fait l’honneur de poser avec moi ! Jean dans son lit, il a 63 ans Ziad, par pudeur, n’a pas voulu qu’on le photographie, mais il m’a donné cette photo Notes : Je tiens à signaler que l’hôpital a été rénové grâce à des fonds de l’Œuvre d’Orient. Au sein de l’hôpital travaille aussi un religieux jésuite, qui est infectiologue. × Ignorer cette alerte.

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Petites histoires courtes

Hayat et son fils Elle était en train d’arroser les plantes du jardin de la paroisse face à chez elle, en compagnie de sa petite fille, quand elle a entendu une première explosion. Elle lui a crié de courir se cacher quand la seconde explosion a eu lieu. Hayat, blessée au bras et au visage, perdait beaucoup de sang mais refusait d’aller à l’hôpital avant d’avoir retrouvé son fils et sa petite fille (celle-ci a été également blessée au bras et au visage). Son fils, la quarantaine, était sourd-muet. On retrouva son corps sous les décombres quelque 9 heures plus tard, mais trop tard : il venait de mourir. Depuis Hayat ne se vêt que de couleurs sombres; elle s’est coupé les cheveux et les garde toujours attachés. Son mari quant à lui a perdu la tête. Une bougie reste allumée jour et nuit près de la photo de son fils. Hayat aujourd’hui a repris le travail de son fils qui était gardien du parking de la paroisse. Il arrive que des gens qui s’y garent lui demandent : « Où est ton fils ? » Barbara, la vendeuse de chaussures Barbara a près de 70 ans ; elle vit avec sa sœur, handicapée, et son frère aîné (74 ans). Pour subvenir aux besoins de sa famille, Barbara vend des chaussures pendant que son frère garde leur sœur. Quand on arrive, elle est devant la télé, elle écoute et prie le chapelet de Marie. Elle nous explique qu’elle est en retard de quelques mois pour le règlement de l’électricité, et qu’on risque de la lui couper (déjà que les coupures sont régulières !)… Car ça fait longtemps déjà que la porte du magasin n’a pas été poussée par une cliente. On décide d’éponger ses dettes ; on va chez son voisin l’épicier qui est aussi en charge du règlement EDL. Il a plus de 80 ans ; dans son magasin exigu, il vend du riz, des lentilles, quelques conserves… On propose à Barbara de prendre ce qu’elle veut; elle choisit, gênée, un petit sac de riz et de lentilles ; nous l’encourageons à prendre davantages, de l’huile, du sel… Elle est très embarrassée, mais elle accepte. Barbara pourra terminer sa journée plus légère, mais pour combien de temps ? Élie Voici Élie. Il a 27 ans. Il vit avec son père et sa mère. Ses parents ont dépassé l’âge de la retraite mais au Liban, il n’y a pas de retraite… Élie ne peut plus rester seul. Son père le garde le matin pendant que sa mère part faire des ménages ; puis vers 13h00, la mère rentre et c’est au tour du papa, gardien de parking, d’aller travailler. La famille d’Elie a de la chance (si l’on peut dire) : leur ‘maison’ en plein Beyrouth a explosé. Jusque-là, Elie, ses père et mère, et sa sœur (qui depuis s’est mariée) partageaient l’unique pièce …de 10m² !! La cuisine et la SDB étaient à l’extérieur, et elles étaient communes aux quatre familles qui vivaient là ! Mais après l’explosion, la maisonnette a été rénovée et la petite famille dispose maintenant de sa propre kitchenette et de sa propre pièce d’eau, le tout sur 15 m² !!! Même s’il n’y a encore qu’une seule chambre pour les trois… Élie, handicapé, avant l’explosion fréquentait un centre d’accueil d’où il revenait chaque jour tout seul. Mais depuis l’explosion, Élie a peur de sortir et refuse catégoriquement de mettre un pied dehors ; il reste donc enfermé chez lui, reste pendu tout le jour à la télé et a pris du poids. Son père nous raconte que lorsque l’explosion a eu lieu, son fils regardait la télévision ; l’écran a explosé mais grâce à une statue de la Vierge qui était posée devant, Élie a été protégé des éclats de verre. Son père a récupéré chaque morceau de la Vierge et les a recollés. Il la choie et la prie chaque jour pour cette grâce. Mais maintenant que la minuscule maison a été rénovée (grâce à des fonds extérieurs !), le propriétaire les menace d’expulsion… Claire Claire a deux fils, Ibrahim, 18 ans (photographié ci-contre avec sa mère) et Carlos 16 ans. Elle est mariée. Claire a un cancer, elle ne peut plus du tout travailler. Elle a des médicaments à prendre chaque jour mais ils coûtent trop cher ; elle les fait donc venir, quand elle le peut, d’Égypte, où les médicaments sont bien moins chers même s’ils ne sont pas exactement les mêmes. Ils habitent près du port de Beyrouth. Le jour de l’explosion, ils se trouvaient tous à la maison. Carlos, qui avait alors 13 ans, a été enseveli sous les décombres ; seule sa main sortait de l’amoncellement de gravats. C’est Ibrahim son frère qui l’a repéré et sauvé. Il était dans le coma. Aujourd’hui il en a encore des séquelles : il a énormément de mal à se concentrer ; il n’est qu’en classe de quatrième soit un retard d’au moins deux années. Pendant les vacances il a décidé de travailler pour aider ses parents et s’est trouvé un emploi de 8h00 à 18h00, 6 jours par semaine, dans une fabrique d’ustensiles de cuisine.

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4 hommes dans leur chambre.

Baytouna al Jadid, le meilleur centre pour handicapés adultes de Beyrouth

Dimanche 6 août.Départ pour la visite d’un centre d’accueil pour handicapés lourds, très limités intellectuellement et physiquement.D’après Joëlle ce centre est l’un des mieux entretenus du Liban. Il peut accueillir jusqu’à six personnes.Aujourd’hui nous avons rencontré les 5 pensionnaires actuels (1 femme et 4 hommes) qui sont là à l’année. Trois d’entre eux, François, Wissam et Wael sont handicapés physique et moteur. Le plus autonome, François, peut parler, marcher, et manger seul. Les autres ont besoin d’une aide plus ou moins importante même pour se déplacer. La femme, quant à elle, semble avoir besoin d’une aide complète : impossible pour elle de marcher ou manger sans l’aide de « l’infirmière »; elle était recroquevillée sur son lit, dans un état quasi-végétatif. Ce qui est censé être un centre est en fait un immeuble de 3 niveaux où le RDC fait office de pensionnat pour des handicapés adultes aux possibilités extrêmement limitées. Il faut d’abord monter quelques marches pour accéder à l’entrée en « L », ce qui laisse perplexe quant à la possibilité de circuler en fauteuil roulant. Le « centre » se compose donc d’une cuisine, de la chambre des quatre garçons où ils demeurent confinés une grande partie de la journée, y compris pour les repas, et où ils peuvent regarder la télé (quand évidemment il y a de l’électricité !). A la suite se trouve la salle d’eau, extrêmement exigüe, avec un bidet et l’unique WC, et où la douche est donnée 1 fois par semaine… Juste à côté enfin se trouve une sorte de pièce aménagée en « salon » avec un lit et un canapé, puis viennent 2 chambres dont celle de la jeune femme handicapée. Toutes les pièces sont desservies par un unique couloir. Le centre Baytouna Al Jadid Distributeur d’eau potable La cuisine La salle d’eau Le salon Chambre de pensionnaire 2ème chambre Pas de visite de médecin, pas de kiné, pas de soins appropriés, pas de loisirs ni de salle de jeux…Pourquoi alors est-il l’un des meilleurs centres ? Pour la bienveillance du personnel, le centre accepte des personnes sans famille et tout âge confondu.Dans une époque lointaine (voilà 30 ans environ), cette population était prise en charge par les sœurs de la Croix de Malte du Liban. Les sœurs étaient formées et s’occupaient d’eux, tous âges confondus, et un équipement adéquat était alors disponible. Aujourd’hui les sœurs sont parties, le centre est devenu l’annexe d’un hôpital pour l’accueil de patients tuberculeux. Le besoin mensuel pour faire vivre un centre de ce type est de 3.500$ pour palier aux dépenses suivantes : EDL (Électricité du Liban) Générateur Salaire de 3 personnes Carburant/transport Eau potable Alimentation Loyer

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Classe d'école vide.

L’Ecole au Liban

Le Liban, malgré toutes les difficultés, maintient, depuis des décennies, l’espoir qu’un Moyen-Orient ouvert et pluraliste est possible. Et ce grâce à la volonté de ses citoyens, libres et engagés. Cette forte conscience de la citoyenneté est due à l’importance que donnent toutes les familles libanaises à l’éducation, et aux sacrifices immenses qu’elles sont prêtes à faire pour cela. Le réseau éducatif libanais est à 70 % non gouvernemental et ne reçoit pas d’aide de l’État. Au cœur de ce réseau, les centaines d’écoles chrétiennes sont un pilier de l’excellence de l’enseignement libanais. Ces écoles ont une particularité qui fait leur force et leur richesse : elles forment tous les Libanais, chrétiens, musulmans et druzes, garçons et filles, les plus riches comme les plus pauvres, en ville comme à la campagne, à Beyrouth et dans toutes les régions du pays. En grande partie francophones, ces établissements ont formé des générations d’élèves libanais, ont ouvert leur regard sur le monde et ont développé leur esprit critique. Tous les jours, des établissements ferment définitivement. Cet été sera déterminant pour nombre d’élèves. Quelques liens : https://www.bfmtv.com/international/on-ne-pouvait-plus-payer-l-ecole-au-liban-un-systeme-scolaire-au-bord-du-gouffre_AN-202110290012.html https://www.instagram.com/reel/CtwG8nQgjeC/?igshid=MzRlODBiNWFlZA== https://fr.zenit.org/2020/07/11/la-sauvegarde-des-ecoles-du-liban-avec-loeuvre-dorient/

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Enfant prenant un bain dans un vieux baril rouillé.

Les enfants du Liban

La situation des enfants a été largement ébranlée par les circonstances géopolitiques du pays, l’explosion du port de Beyrouth, la covid et la banque route du pays. Près de 80 % de la population libanaise vit en dessous du seuil de pauvreté. Il existe de grandes inégalités sociales, issues notamment des conflits récents. 95 % des biens appartiennent à seulement 5 % de la population. Cette pauvreté impacte souvent les plus faibles et prives malheureusement les enfants de tout accès à l’éducation et parfois les obliges à travailler avant l’âge légal (18 ans). Entre 10 % et 20% des enfants ne sont pas scolarisés. De plus, la qualité de l’enseignement et de ses structures, malgré l’effort récent du pays en la matière, laisse grandement à désirer. Environ 7 % des enfants libanais sont obligés de travailler pour aider leur famille. Beaucoup de jeunes garçons sont employés pour des travaux agricoles, de métallurgie ou de menuiserie. Les conditions de travail sont cruelles et les enfants se tuent à la tâche pour un salaire de misère. La déflagration du 4 août 2020 -l’explosion du port de Beyrouth- qui était d’une puissance inouïe, n’a fait qu’exacerber les lacunes laissées par un gouvernement défaillant, et a signé de la sorte, la mise à mort du pays qui était déjà en train de sombrer dans le chaos à tous les niveaux. Enfants de la rue ou enfants-travailleurs, ils subissent, inéluctablement, aujourd’hui plus que jamais, les formes les plus hideuses et perverses de l’exploitation.

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