Petites histoires courtes

Hayat et son filsUne mère avec un portrait de son fils

Elle était en train d’arroser les plantes du jardin de la paroisse face à chez elle, en compagnie de sa petite fille, quand elle a entendu une première explosion. Elle lui a crié de courir se cacher quand la seconde explosion a eu lieu.

Hayat, blessée au bras et au visage, perdait beaucoup de sang mais refusait d’aller à l’hôpital avant d’avoir retrouvé son fils et sa petite fille (celle-ci a été également blessée au bras et au visage).

Son fils, la quarantaine, était sourd-muet. On retrouva son corps sous les décombres quelque 9 heures plus tard, mais trop tard : il venait de mourir.

Depuis Hayat ne se vêt que de couleurs sombres; elle s’est coupé les cheveux et les garde toujours attachés. Son mari quant à lui a perdu la tête. Une bougie reste allumée jour et nuit près de la photo de son fils.

Hayat aujourd’hui a repris le travail de son fils qui était gardien du parking de la paroisse. Il arrive que des gens qui s’y garent lui demandent : « Où est ton fils ? »

Barbara, la vendeuse de chaussures

Barbara a près de 70 ans ; elle vit avec sa sœur, handicapée, et son frère aîné (74 ans). 
Pour subvenir aux besoins de sa famille, Barbara vend des chaussures pendant que son frère garde leur sœur. 

Quand on arrive, elle est devant la télé, elle écoute et prie le chapelet de Marie. Elle nous explique qu’elle est en retard de quelques mois pour le règlement de l’électricité, et qu’on risque de la lui couper (déjà que les coupures sont régulières !)…

Car ça fait longtemps déjà que la porte du magasin n’a pas été poussée par une cliente.

On décide d’éponger ses dettes ; on va chez son voisin l’épicier qui est aussi en charge du règlement EDL. Il a plus de 80 ans ; dans son magasin exigu, il vend du riz, des lentilles, quelques conserves…

On propose à Barbara de prendre ce qu’elle veut; elle choisit, gênée, un petit sac de riz et de lentilles ; nous l’encourageons à prendre davantages, de l’huile, du sel…

Elle est très embarrassée, mais elle accepte.

Barbara pourra terminer sa journée plus légère, mais pour combien de temps ?

Élie 

Voici Élie. Il a 27 ans. Il vit avec son père et sa mère.

Ses parents ont dépassé l’âge de la retraite mais au Liban, il n’y a pas de retraite…

Élie ne peut plus rester seul. Son père le garde le matin pendant que sa mère part faire des ménages ; puis vers 13h00, la mère rentre et c’est au tour du papa, gardien de parking, d’aller travailler.

La famille d’Elie a de la chance (si l’on peut dire) : leur ‘maison’ en plein Beyrouth a explosé. Jusque-là, Elie, ses père et mère, et sa sœur (qui depuis s’est mariée) partageaient l’unique pièce …de 10m² !! La cuisine et la SDB étaient à l’extérieur, et elles étaient communes aux quatre familles qui vivaient là ! Mais après l’explosion, la maisonnette a été rénovée et la petite famille dispose maintenant de sa propre kitchenette et de sa propre pièce d’eau, le tout sur 15 m² !!! Même s’il n’y a encore qu’une seule chambre pour les trois…

Élie, handicapé, avant l’explosion fréquentait un centre d’accueil d’où il revenait chaque jour tout seul. Mais depuis l’explosion, Élie a peur de sortir et refuse catégoriquement de mettre un pied dehors ; il reste donc enfermé chez lui, reste pendu tout le jour à la télé et a pris du poids.

Son père nous raconte que lorsque l’explosion a eu lieu, son fils regardait la télévision ; l’écran a explosé mais grâce à une statue de la Vierge qui était posée devant, Élie a été protégé des éclats de verre. Son père a récupéré chaque morceau de la Vierge et les a recollés. Il la choie et la prie chaque jour pour cette grâce.

Mais maintenant que la minuscule maison a été rénovée (grâce à des fonds extérieurs !), le propriétaire les menace d’expulsion…

Claire

Claire a deux fils, Ibrahim, 18 ans (photographié ci-contre avec sa mère) et Carlos 16 ans. Elle est mariée.

Claire a un cancer, elle ne peut plus du tout travailler.

Elle a des médicaments à prendre chaque jour mais ils coûtent trop cher ; elle les fait donc venir, quand elle le peut, d’Égypte, où les médicaments sont bien moins chers même s’ils ne sont pas exactement les mêmes.

Ils habitent près du port de Beyrouth. Le jour de l’explosion, ils se trouvaient tous à la maison. Carlos, qui avait alors 13 ans, a été enseveli sous les décombres ; seule sa main sortait de l’amoncellement de gravats. C’est Ibrahim son frère qui l’a repéré et sauvé.

Il était dans le coma. Aujourd’hui il en a encore des séquelles : il a énormément de mal à se concentrer ; il n’est qu’en classe de quatrième soit un retard d’au moins deux années. 

Pendant les vacances il a décidé de travailler pour aider ses parents et s’est trouvé un emploi de 8h00 à 18h00, 6 jours par semaine, dans une fabrique d’ustensiles de cuisine.

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